Étrange Suisse italienne

29 01 2011

Après avoir vécu plus de deux dans le pays de mon mari, je continue à constater les relations un peu paradoxales que le canton Tessin (et par extension la région du Moesano qui se trouve dans les Grisons mais qui devrait être dans le Tessin, c’est quasiment le haut-bellinzonais, on se demande pourquoi ce territoire dépend de Coire, enfin…) entretient avec le pays voisin immédiat, l’Italie.

Culturellement, cette partie de la Suisse partage bien des choses avec la grande voisine: la langue (les Tessinois parlent en général un italien clair et bien dictionné, mais assez fermé, pas chantant comme les Italiens qui habitent au sud de l’Émilie), le dialecte insubre qui est celui de la Lombardie avec des variations locales, l’architecture des villes… Je ne connais pas de Suisses italophones qui ne regardent pas la RAI ou Mediaset, et à moins de familles incluant des Suisses alémaniques ils ne regardent pas la SF1 et SF2. Traditionnellement les couples mixtes tessinois/italiens sont monnaie courante, jusque dans ma belle-famille où les hommes depuis des générations épousaient des Italiennes (je suis la première exception, et encore moi aussi j’ai des origines italiennes et sans doute même tessinoises). Les voyages outre-frontière dans les deux sens sont très fréquents même si faire son marché en Italie est devenu légèrement moins avantageux depuis que l’euro a remplacé la lire. Quant aux régions grisonnes de Bregaglia et Poschiavo, en raison de leur isolement du reste du canton elles ont plus de rapports avec la province de Sondrio.

Et pourtant, si en Romandie on trouve de nombreux magasins venus de France, à part la Crai (en Suisse de tout petits supermarchés de proximité) et la Standa (je n’en ai vu qu’une petite à Bellinzone) on ne trouve aucune chaîne italienne en Tessin (et c’est bien dommage). Et surtout, les Suisses et les Italiens ont du mal à se supporter: ici les Italiens (surtout du sud) sont appelés terroni ou mangiaramina et on les regarde avec méfiance, tandis que de l’autre côté de la frontière les carabiniers ignoreront une vingtaine de véhicules italiens en infraction avec le code de la route pour donner une belle amende bien salée à un svizzero di merda. Les raisons incluent le phénomène du frontaliérat: les rivalités frontalières existent dans d’autres parties de la Suisse mais la crise économique et le chômage ont particulièrement touché le Tessin et le Moesano, laissant nombre de jeunes actifs sans travail et désespérant d’en retrouver tandis que les entreprises préfèrent embaucher des travailleurs munis du permis G qu’ils paient souvent moins cher de que des travailleurs suisses ou domiciliés. Côté italien, la Suisse (et surtout le Tessin) avec son secret bancaire est considérée comme le refuge des économies de ceux qui pratiquent l’évasion fiscale en Italie ou le blanchiment d’argent sale. Bref, beaucoup de rancoeurs de part et d’autre qui font dire – de manière exagérée? – « nous n’avons rien en commun si ce n’est la langue ». Bon, si ce sont eux qui le disent, surtout avec les dernières dégradations de relation TI/Italie.

À noter cependant que l’espèce de jumelage pratiqué entre le Tessin et la Lombardie dans le cadre de l’organisation Regio Insubrica déplaît assez à Berne, et il est vrai que les Tessinois oublient parfois qu’ils sont avant tout Suisses! Non pas qu’ils souhaiteraient le rattachement du Tessin à l’Italie (je ne pense pas qu’il y en ait un pour le souhaiter, en fait ce serait plutôt les provinces de Côme et de Varèse qui aimeraient bien faire partie de la Suisse), mais les eccentricités de la Lega dei Ticinesi et de son leader Bignasca montrent qu’ils se voient avant tout comme Tessinois et à part (en reprochant à la majorité cependant de les traiter en périphérie de seconde zone). Parfois on peut avoir l’impression qu’ils ne savent pas bien ce qu’ils veulent.


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2 responses

31 01 2011
Sylvaine

Vous avez dit origine tessinoise voilà qui m’étonne madame!
Votre arrière grand-mère était romagnole et votre arrière grand-père lombard.

31 01 2011
selkaen

Justement, pas de la partie romagnole mais de la partie lombarde, mais très très lontaine. Le nom de mon arrière-grand-père est d’origine locarnaise (même si lointaine) d’après ce que j’avais vu.

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